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  • Howard Law

Le CRTC récolte ce qu’il a semé en matière de télé sur Internet et de nouvelles locales



Le 24 novembre 2021


Les porte-parole du câblodistributeur Telus ont averti mardi le président du CRTC, Ian Scott, que nous étions pour être floués par Rogers en matière de contenu sportif.


Si la fusion de Rogers avec Shaw est approuvée par le CRTC et que Rogers devient la plateforme de télévision sur Internet dominante au Canada anglais, Rogers sera parfaitement en mesure de ne pas diffuser les événements sportifs incontournables sur le réseau de télévision par câble pour les diffuser exclusivement sur sa plateforme Internet Sportsnet Now, a déclaré Stephen Schmidt, vice-président de la réglementation chez Telus. L’exemption de la diffusion sur Internet accordée par le CRTC dans l’Ordonnance d’exemption relative aux nouveaux médias de 1999permet à Rogers de déroger aux règles habituelles du CRTC selon lesquelles les radiodiffuseurs doivent vendre la programmation à tous les câblodistributeurs à un prix équitable.

Et si M. Schmidt a raison, ce n’est pas la seule fois que le CRTC récoltera ce qu’il a semé.


Prenez le journal télévisé local


Si la fusion se réalise, Rogers récupérera 13 millions de dollars de financement annuel des stations Global News de Shaw dans une douzaine de communautés à travers le pays : Vancouver, Kelowna, Lethbridge, Calgary, Edmonton, Saskatoon, Regina, Winnipeg, Peterborough, Kingston, St. John et Halifax. Les 13 millions de dollars représentent environ 10 % du budget de Global.

Rogers réinvestira ces 13 millions de dollars dans sa chaîne de quatre stations City-TV à Vancouver, Edmonton, Calgary et Winnipeg.

Une parenthèse explicative importante : en 2016, le CRTC a bidouillé certaines règles obscures, mais néanmoins significatives régissant les obligations des entreprises de télévision par câble et par satellite en matière de « contenu canadien ».

Le CRTC a ordonné la constitution d’un fonds d’environ 400 millions de dollars par an, soit 5 % des recettes des entreprises réglementées de câblodistribution et de diffusion par satellite, à répartir entre divers producteurs de contenu. La majorité de cette somme va au Fonds des médias du Canada et à des fonds similaires « CanCon » pour la réalisation de films et de documentaires canadiens. Le reste va à l’« expression locale » qui, jusqu’en 2016, était constituée des stationscommunautaires hyperlocales de chaque câblodistributeur à travers le pays.




Source : Relevé financier du CRTC de 2020

La modification du financement apportée par le CRTC en 2016 a donné aux grands réseaux comme Rogers et Shaw la possibilité de réorienter des montants importants de leur financement « communautaire » vers leurs propres stations « locales » offrant une couverture quotidienne des nouvelles dans le même marché géographique. Cette modification était la reconnaissance par le Conseil que l’industrie des nouvelles locales avait été déficitaire pendant quatre années consécutives (aujourd’hui, c’est neuf années consécutives).


Rogers et Shaw ont préféré leurs stations d’information locales aux programmes communautaires et ont réorienté ces fonds : pour Shaw, l’augmentation de leurs revenus en baisse à Global News était de 13 millions de dollars. Si la fusion se concrétise, cette somme disparaîtra, soit l’équivalent d’environ 160 salaires de Global News au Canada. Il serait naïf de croire que Global va simplement engloutir ces 13 millions de dollars. Il y aura moins de couverture médiatique.


En revanche, il y aura une manne de 13 millions de dollars pour les stations de télévision City TV de Rogers dans quatre marchés -Vancouver, Calgary, Edmonton et Winnipeg- qui hériteront du financement « communautaire » des anciennes stations câblées de Shaw dans ces marchés.


Dans chacun de ces marchés, les stations City occupent une lointaine troisième ou quatrième place en termes d’audience : à Vancouver, elles représentent 1/20e du nombre de téléspectateurs de Global News, leader du marché. Rogers n’a pas donné au Conseil la moindre idée de ses plans d’embauche ou de programmation pour combler cet écart d’audience.


À court de 13 millions de dollars, Global News peut encore demander au Fonds pour les nouvelles locales indépendantes (FNLI) d’atténuer cette perte.


Le FNLI a été institué par le CRTC en 2016, en réaffectant une tranche du financement existant pour l’expression locale, appelé Fonds de production local pour les petits marchés, afin d’aider les stations d’information locales qui n’appartiennent pas à des câblodistributeurs et n’ont donc pas accès au financement du « câble communautaire » du CRTC. Mais ce financement annuel de 20 millions de dollars est déjà réparti entre 20 stations indépendantes comme CHCH de Hamilton, CHEK de Victoria ou Newfoundland TV.

Le gâteau de 20 millions de dollars sera divisé en parts plus minces pour tous et ne remplacera certainement pas les 13 millions de dollars de Global.


Ce résultat est pervers pour les informations locales, mais une fois de plus, la réglementation se retourne contre eux.


En 2008, le Conseil a pris au sérieux le déclin des nouvelles locales et a imposé aux câblodistributeurs une redevance de 1 % (en plus des 5 % existants) qui a été versée à toutes les stations locales des marchés de petite et moyenne taille au Canada, soit près de 100 millions de dollars par an. Pendant la crise financière, la redevance est passée à 1,5 %. Mais en 2012, le Conseil a décidé de mettre fin au financement en invoquant une hausse des recettes publicitaires après la crise, qui ne s’est finalement pas matérialisée. Rapidement, il est devenu indéniable pour le CRTC que la viabilité financière des nouvelles locales déclinait inexorablement (voir le graphique en tête de ce texte). Ainsi, les modifications apportées en 2016 au financement des nouvelles locales ont eu pour effet de réaffecter plutôt que d’augmenter le financement du contenu canadien attendu des grands câblodistributeurs.


Corus, qui est propriétaire de Global News et occupe une position importante dans les chaînes de télévision spécialisées, a trouvé une solution typique au dilemme des nouvelles locales : le CRTC devrait rediviser l’enveloppe de 5 % pour le contenu canadien, cette fois en retirant de l’argent des films et des documentaires subventionnés par le Fonds des médias du Canada pour le donner au FNLI, de sorte qu’il y ait suffisamment d’argent pour toutes les stations locales indépendantes lorsque Global cherchera à remplacer ses 13 millions de dollars. Le FNLI ainsi renforcé disposerait alors d’une cagnotte de près de 50 millions de dollars.




Proposition de Corus au CRTC

Cette pratique consistant à prendre d’une main pour donner à l’autre ne vous semble-t-elle pas aussi absurde qu’à moi ?


Il y a cependant un moyen de s’en sortir. Et c’est le projet de loi C-10.

Dans le Discours du Trône du 23 novembre, les libéraux ont annoncé leur intention de réintroduire leur révision de la Loi sur la radiodiffusion. La raison d’être du projet de loi C-10 est d’amener Netflix et les autres fournisseurs américains de télévision par Internet à faire leur part de contenu canadien ou à effectuer des paiements au « fonds de 5 % » que nous utilisons pour le contenu canadien, y compris les nouvelles locales. Un plus gros gâteau, de plus grosses parts.

Le projet de loi C-10 est une occasion de fournir un financement stable à long terme pour les nouvelles télévisées locales que le gouvernement devrait saisir.

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